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Comprendre la méthode OKRs et son utilité en management

Rédigé par Lucien MARTIN | septembre 2025

 

Dans le monde industriel, qu’il s’agisse d’automatisation, de production ou de gestion de projet, la question des objectifs revient sans cesse. Une équipe peut travailler dur, mais si la direction à suivre n’est pas claire, les efforts se dispersent et les résultats ne sont pas au rendez-vous. Fixer des objectifs, ce n’est pas seulement « dire où l’on veut aller », c’est aussi donner du sens, aligner les énergies et mesurer les progrès accomplis.

Or, dans de nombreuses entreprises, les objectifs sont parfois trop flous, trop nombreux ou trop rigides. On finit par se perdre entre tâches quotidiennes, indicateurs de performance (KPI) et priorités changeantes. C’est là qu’intervient la méthode OKRs – Objectives and Key Results. Popularisée par Intel et Google, elle offre un cadre simple et motivant : définir des objectifs ambitieux et inspirants, puis leur associer des résultats clés mesurables.

Qu’est-ce que la méthode OKRs ?

La méthode OKRs (pour Objectives and Key Results, en français Objectifs et Résultats clés) est un système de management né dans les années 1980 chez Intel, sous l’impulsion d’Andrew Grove, avant d’être popularisé par Google dans les années 2000. Depuis, elle est adoptée par de nombreuses entreprises – de la start-up innovante aux multinationales comme Spotify ou LinkedIn – qui y voient un moyen de rester agiles tout en gardant une vision claire.

Concrètement, un OKR se compose de deux éléments indissociables :

  • L’Objectif (Objective) : c’est une intention claire, qualitative et inspirante. Il donne la direction, répond à la question « Où voulons-nous aller ? ». Un objectif n’est pas un chiffre ou une tâche, mais une ambition qui motive et mobilise.
  • Les Résultats clés (Key Results) : ce sont les indicateurs mesurables qui permettent de savoir si l’objectif est atteint. Ils répondent à la question « Comment saurons-nous que nous avançons dans la bonne direction ? ».

👉 Exemple simple dans un contexte industriel :

  • Objectif : Améliorer la fiabilité d’une ligne de production.
  • Résultats clés :
    • Réduire le taux de pannes de 15 % à 5 % en trois mois.
    • Atteindre un taux de disponibilité machine de 95 %.
    • Réduire le temps moyen de réparation de 2 h à 1 h 15.

Ce qui distingue les OKRs d’autres approches comme les KPI ou la méthode SMART :

  • Les KPI (Key Performance Indicators) sont de simples indicateurs de performance. Ils mesurent un état (ex. : taux de rendement global d’une machine) mais ne fixent pas de cap à atteindre.
  • Les objectifs SMART permettent de définir des buts clairs et mesurables, mais ils ne précisent pas toujours comment aligner ces objectifs entre individus, équipes et organisation.
  • Les OKRs, eux, combinent l’inspiration (un objectif mobilisateur) et la mesure (des résultats clés concrets), tout en permettant un alignement à plusieurs niveaux de l’entreprise.

En résumé, les OKRs ne sont pas seulement une façon de « mieux mesurer », mais une méthode complète pour donner du sens, créer du focus et suivre les progrès collectifs.

Les deux briques des OKRs

Un bon système d’OKRs repose sur deux piliers simples mais complémentaires : l’Objectif et les Résultats clés.

1 L’Objectif : inspirer et donner une direction

L’Objectif (Objective) est un énoncé qualitatif, qui doit être clair, motivant et porteur de sens. Il ne s’agit pas d’un chiffre ou d’une tâche à exécuter, mais d’une ambition qui oriente les efforts collectifs.

Quelques caractéristiques d’un bon objectif :

  • Clair et compréhensible : tout le monde doit saisir en une phrase la direction à suivre.
  • Ambitieux et mobilisateur : il doit donner envie de se dépasser.
  • Temporel : il se définit sur une période donnée (souvent un trimestre ou un semestre).

👉 Exemple dans l’industrie :

  • « Devenir l’équipe de référence en maintenance préventive dans l’usine. »
  • « Réussir la mise en service de la nouvelle ligne d’automatisation sans retard majeur. »

2 Les Résultats clés : mesurer les progrès

Les Résultats clés (Key Results) traduisent l’objectif en indicateurs mesurables. Ils permettent de savoir si l’on avance concrètement dans la bonne direction. Contrairement aux tâches, un résultat clé exprime un impact mesurable et non une action à réaliser.

Un bon résultat clé doit être :

  • Quantifiable : exprimé par un chiffre ou une valeur cible.
  • Pertinent : directement lié à l’atteinte de l’objectif.
  • Limité en nombre : en général, 2 à 5 résultats clés par objectif suffisent.

👉 Exemples :

  • Mauvais résultat clé : « Lancer une nouvelle procédure de maintenance. » (c’est une tâche).
  • Bon résultat clé : « Réduire de 20 % les arrêts machine liés aux pannes imprévues. »

👉 Exemple complet :

  • Objectif : Améliorer la sécurité sur le site de production.
  • Résultats clés :
    • Diminuer le nombre d’incidents de 12 à 6 par trimestre.
    • Former 100 % des opérateurs aux nouvelles consignes d’ici 3 mois.
    • Atteindre un taux de conformité sécurité de 95 % lors des audits internes.

En résumé, l’Objectif trace la route, tandis que les Résultats clés fournissent les jalons de mesure qui montrent si l’on progresse vraiment.

Pourquoi utiliser les OKRs en management ?

Dans un contexte industriel marqué par la complexité des projets, la pression sur les délais et la recherche constante de performance, les OKRs apportent une réponse moderne et pragmatique. Leur intérêt dépasse largement la simple fixation d’objectifs : ils transforment la manière de piloter les équipes et les projets.

Donner du sens et de l’engagement aux équipes

Les collaborateurs savent pourquoi ils travaillent sur un projet donné. L’objectif, formulé de manière inspirante, relie leurs efforts quotidiens à une ambition commune. Cela favorise la motivation et l’adhésion.
👉 Exemple : un technicien n’exécute pas seulement un plan de maintenance, il contribue à « augmenter la fiabilité de la ligne de production pour satisfaire le client final ».

Favoriser l’alignement des objectifs

Les OKRs permettent de relier les différents niveaux d’une organisation :

  • Objectifs stratégiques (direction)
  • Objectifs tactiques (équipes, services)
  • Objectifs individuels (collaborateurs)

Ainsi, chaque action contribue à la même finalité, ce qui évite les efforts dispersés ou contradictoires.

Apporter de l’agilité

Contrairement aux plans figés sur plusieurs années, les OKRs se définissent sur des cycles courts (souvent trimestriels). Cela permet d’adapter rapidement les priorités si l’environnement change – un atout précieux dans l’industrie où les contraintes techniques et économiques évoluent vite.

Créer une culture de transparence et de responsabilité

Un principe fort des OKRs est la transparence : les objectifs et résultats clés sont visibles par tous dans l’entreprise. Chacun peut voir où en est l’organisation, ce qui renforce la confiance, le travail collaboratif et le sens des responsabilités.

Encourager le dépassement

Les OKRs incitent à viser haut grâce aux « objectifs ambitieux » (souvent appelés stretch goals). On considère généralement qu’atteindre 70 % d’un objectif est déjà un succès, car cela signifie que l’équipe a osé sortir de sa zone de confort et repousser ses limites.

Bonnes pratiques et critères de succès

Mettre en place des OKRs ne se résume pas à rédiger de beaux objectifs sur un tableau. Pour que la méthode fonctionne réellement, il est essentiel de respecter quelques principes simples mais incontournables.

Limiter le nombre d’objectifs

Un piège fréquent est de vouloir couvrir trop de choses à la fois. Or, l’efficacité des OKRs repose sur le focus.
👉 Recommandation : 3 à 5 objectifs maximum par niveau (entreprise, équipe, individu), chacun accompagné de 2 à 5 résultats clés.

Travailler par cycles courts

La plupart des organisations définissent des OKRs sur un trimestre. Cela permet de rester réactif face aux imprévus et d’ajuster rapidement les priorités. Dans l’industrie, où les contraintes techniques et commerciales évoluent vite, cette approche est particulièrement adaptée.

Assurer la transparence

Les OKRs doivent être visibles par tous. Cette transparence renforce la confiance, favorise la collaboration entre services et évite les redondances. Quand chacun connaît les objectifs des autres équipes, il est plus facile d’aligner les efforts.

Décorréler OKRs et évaluation individuelle

Un autre facteur de succès est de ne pas utiliser les OKRs comme outil d’évaluation des performances individuelles. L’objectif n’est pas de « sanctionner » ou « récompenser », mais de mobiliser les énergies vers un but commun. Si les collaborateurs craignent une notation stricte, ils auront tendance à fixer des objectifs trop faciles pour assurer leur réussite.

Formuler des résultats clés vraiment mesurables

Un bon résultat clé se mesure avec des données fiables et disponibles. Évitez les indicateurs flous ou difficiles à suivre.
👉 Mauvais exemple : « améliorer la communication dans l’équipe » (non mesurable).
👉 Bon exemple : « obtenir un taux de satisfaction interne de 80 % sur la collaboration entre équipes, mesuré par un sondage ».

Suivre régulièrement l’avancement

Les OKRs ne doivent pas dormir dans un fichier jusqu’à la fin du trimestre. Ils doivent être vivants, suivis et discutés régulièrement : lors des réunions d’équipe, des points de projet ou des briefings hebdomadaires. Cela permet de célébrer les progrès, d’ajuster les actions et de maintenir la motivation.

OKRs et gestion de projet industriel

Dans le domaine de l’automatisation et de l’ingénierie des systèmes industriels, les projets sont souvent complexes : délais serrés, coordination de plusieurs acteurs, contraintes budgétaires et exigences de qualité. La méthode OKRs peut devenir un outil puissant pour structurer ces projets et donner une vision claire aux équipes.

6.1 Lien avec la planification par jalons

Dans vos cours de gestion de projet, vous apprenez à planifier par objectifs et à définir des jalons. Les OKRs complètent cette approche :

  • Les objectifs donnent la vision qualitative du projet (le cap à atteindre).
  • Les résultats clés jouent le rôle de jalons mesurables, qui permettent de vérifier concrètement si l’on progresse.

Ainsi, les OKRs deviennent une boussole de pilotage, tandis que les jalons assurent le suivi opérationnel.

Exemple 1 : modernisation d’une ligne de production

  • Objectif : Réussir la modernisation de la ligne de production sans interruption majeure.
  • Résultats clés :
    • Limiter les arrêts imprévus à moins de 5 heures durant le projet.
    • Respecter 95 % du planning initial.
    • Atteindre un rendement global de 90 % dans le mois suivant la mise en service.

👉 Ici, l’objectif donne une direction claire (« réussir la modernisation »), tandis que les résultats clés traduisent cette ambition en mesures concrètes.

Exemple 2 : projet d’innovation technique

  • Objectif : Développer un prototype innovant d’automatisation pour un client pilote.
  • Résultats clés :
    • Livrer le prototype dans un délai de 3 mois.
    • Réaliser au moins 3 itérations de tests clients avec retour d’expérience.
    • Obtenir un taux de satisfaction client supérieur à 80 % lors de la validation finale.

👉 Cet exemple montre comment les OKRs peuvent aider une équipe projet à rester concentrée sur l’essentiel : livrer de la valeur au client, dans les délais et avec un haut niveau de qualité.


Les pièges à éviter

Comme toute méthode de management, les OKRs ne sont pas une recette magique. Leur efficacité dépend de la manière dont ils sont mis en œuvre. Voici les erreurs les plus fréquentes à éviter.

Confondre résultats clés et tâches

Un résultat clé doit toujours mesurer un impact et non une simple action.
👉 Exemple :

  • Mauvais : « Organiser une formation sécurité » (c’est une tâche).
  • Bon : « Former 100 % du personnel aux consignes de sécurité d’ici fin du trimestre » (impact mesurable).

Fixer des objectifs trop faciles

Des objectifs « sécurisés » peuvent sembler rassurants, mais ils n’apportent ni motivation ni progrès significatif. Les OKRs doivent pousser l’équipe à sortir de sa zone de confort.
👉 Si vous atteignez 100 % des OKRs à chaque fois, c’est probablement que vos objectifs ne sont pas assez ambitieux.

Fixer des objectifs irréalistes

À l’inverse, viser l’impossible démotive rapidement. Les OKRs doivent représenter un défi stimulant mais atteignable. L’équilibre est essentiel pour maintenir l’engagement.

Multiplier les objectifs

Vouloir tout améliorer en même temps conduit à la dispersion. L’efficacité repose sur le focus : mieux vaut 3 objectifs bien définis que 10 mal suivis.

Négliger la qualité des données

Un résultat clé doit être mesurable à partir de données fiables. Si les indicateurs sont flous ou difficiles à collecter, l’équipe risque de perdre confiance dans le système.

Oublier le suivi en cours de cycle

Un autre piège classique est de fixer les OKRs au début du trimestre et de les ressortir uniquement à la fin. Sans suivi régulier, ils perdent tout leur pouvoir de pilotage. Les réunions d’avancement sont essentielles pour ajuster et garder la dynamique.

Conclusion

Fixer des objectifs est une chose, les atteindre en est une autre. Trop souvent, les entreprises se perdent dans des indicateurs de performance éparpillés ou des priorités qui changent sans cesse. La méthode OKRs (Objectives and Key Results) apporte une réponse simple et efficace : combiner des objectifs inspirants avec des résultats clés mesurables pour donner du sens, aligner les équipes et suivre les progrès.

Nous avons vu que les OKRs :

  • créent un engagement collectif en reliant les efforts quotidiens à une vision commune,
  • favorisent l’alignement entre individus, équipes et organisation,
  • apportent de l’agilité grâce à des cycles courts et adaptatifs,
  • instaurent une culture de transparence et de responsabilité,
  • poussent à se dépasser avec des objectifs ambitieux mais atteignables.

Un bon management, ce n’est pas seulement « diriger », c’est inspirer, mesurer et ajuster. Les OKRs vous donnent une boussole pour guider vos équipes vers des résultats durables et motivants.

 

Sources: 

 Méthode OKR : définir des objectifs et mesurer les résultats 

https://www.advaloris.ch/excellence-operationnelle/okr

https://mailchimp.com/resources/okrs/